L’électronucléaire, à savoir la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire, est un secteur d’intérêt pour les entreprises françaises. Forte de 60 ans d’expertise, la France est reconnue sur la scène mondiale comme l’un des pays précurseurs au développement de la filière et pour son savoir-faire. Dans un contexte de crise climatique où la réduction des émissions carbone est une nécessité, la filière jouit d’un regain d’intérêt, après un ralentissement de l’activité ces dernières années.
Entretien avec Emmanuel GALLAND, Référent Team France Export Transition Energétique & Chef de projet industrie Nucléaire
Quels sont alors les choix stratégiques pour développer la filière à l’international ? Focus sur les forces des entreprises françaises, les marchés cibles et les perspectives d’avenir de l’électronucléaire.
Un savoir-faire français reconnu dans le monde
En France, l’énergie nucléaire est la première source de production et de consommation d’électricité. En 2021, 74% de l’électricité est produite grâce à la fission nucléaire. Ce ratio fait de la France le premier pays à s’appuyer sur le nucléaire pour produire son électricité, devant la Slovaquie et l’Ukraine. 56 réacteurs répartis sur 18 sites, alimentent aujourd’hui le réseau national. En comparaison, les Etats-Unis qui possèdent le plus de réacteurs au monde sur son territoire (95), alimentent 20% de son mix énergétique grâce au nucléaire, contre 50% pour les énergies fossiles.
Le choix de doter la France d’un tel parc nucléaire s’est fait à l’issue du premier choc pétrolier afin de réduire sa dépendance au pétrole et ainsi assurer la sécurité énergétique du pays. Cela a permis à de grands industriels tels que EDF et Areva (ce dernier qui depuis la cession de 2016 a laissé place à Framatome, Orano et TechnicAtome) de se faire une place significative sur le marché mondial.
La France se démarque dès lors comme le pays ayant développé son parc en un temps record. Avec un premier réacteur mis en service en 1977, en l’espace de vingt ans, une cinquantaine d’autres réacteurs ont vu le jour, une situation unique au monde à l’échelle de son territoire. Depuis, la France est une référence en matière de construction de réacteurs nucléaires et de maintenance des sites. Elle dispose également de l’intégralité des savoir-faire, de la R&D au démantèlement des centrales et la gestion des déchets.
Toutefois, la filière rencontre des difficultés de renouvellement de ses compétences, la plupart du personnel ayant participé à la construction de parcs dans les pays précurseurs du nucléaire étant parti à la retraite.
A l’international et dans les pays en développement, la formation du personnel est pourtant le défi majeur que rencontrent les pays souhaitant se spécialiser sur ce domaine. L’expertise française en matière de construction des réacteurs et de maintenance est donc un besoin pour des acteurs qui souhaitent créer ou élargir leur parc.
EDF, aujourd’hui premier producteur et premier fournisseur d’électricité en France et en Europe, répond principalement à cette demande et entraîne dans son sillage de plus petites structures avec lesquelles sont formés des partenariats.

Les zones géographiques d’intérêt pour développer son activité
La perte du contrat de construction de la première centrale nucléaire aux Emirats Arabes Unis en 2008, suivie de la catastrophe de Fukushima en 2011 ont fait ralentir l’activité française. Aujourd’hui la filière reprend des couleurs.
Alors que plusieurs pays développés souhaitaient dès lors fermer tout ou partie de leur parc par perte de confiance en matière de sécurité nucléaire, un clivage s’était formé avec les pays en développement qui n’ont cessé de vouloir développer le leur. Désormais, plusieurs pays développés souhaitent finalement relancer l’électronucléaire pour s’aligner sur la trajectoire de décarbonation des Accords de Paris. En plus d’être une énergie décarbonée, le nucléaire est également présenté comme un moyen de limiter l’extraction de métaux rares.
L’électronucléaire en Europe
Des négociations sont donc en cours au Royaume-Uni, pays pionnier en matière de décarbonation. D’autres pays d’Europe de l’ouest décident de revenir au nucléaire comme la Finlande et peut-être bientôt les Pays-Bas. Cette décision s’est notamment renforcée depuis la guerre en Ukraine, montrant l’intérêt de réduire la dépendance des pays Européens envers le gaz et le charbon russe. La Pologne, qui ne possède pas encore de parc nucléaire et s’appuyant encore beaucoup sur le charbon, souhaite désormais développer les énergies décarbonées massivement. La Bulgarie et la Roumanie ont aussi des projets de développement de leur parc mais rencontrent des problèmes de financement. Des appels d’offres sont également émis par la République Tchèque.
L’électronucléaire dans le reste du monde
Le financement de ces projets est effectivement un sujet, principalement pour les pays en développement. L’électronucléaire étant un secteur qui s’inscrit dans le temps long, les recettes n’interviennent qu’à la mise en service des réacteurs. Les banques peinent alors à accorder leur aide car les conditions de remboursement sont lointaines, ce qui empêche la filière de décoller alors que la demande existe. En Afrique, le Kenya, le Nigeria et le Ghana sont concernés. En Amérique latine, le Brésil et l’Argentine également.
La Russie est un concurrent redoutable à l’échelle internationale, notamment car elle est capable d’accompagner la vente de sa technologie de solutions de financement performantes. Le géant Rosatom, à la fois concurrent et partenaire de la France, est un exemple des relations commerciales étroites franco-russes.
En Asie, la Corée du sud a mis en exergue les difficultés structurelles du nucléaire français en remportant le contrat des réacteurs d’Abu Dhabi. La concurrence chinoise est également rude. Premier marché mondial avec une consommation d’énergie en forte croissance, les opportunités d’export deviennent de plus en plus compliquées pour la France à moins de disposer d’usines locales.
En Inde, des négociations sont en cours depuis 2009. Le pays cherche à développer sa chaîne d’approvisionnement nucléaire et à équiper une centrale de 6 réacteurs, à Jaitapur, ce qui en ferait la plus puissante au monde. Ce projet de longue date pourrait enfin se concrétiser dans les prochaines années.
Enfin, l’Amérique du Nord est une zone incontournable pour la filière. Le Canada et les Etats-Unis, plus grand pays producteur d’énergie nucléaire au monde avec ses 95 réacteurs, souhaitent poursuivre l’extension de leur marché respectif, notamment grâce à l’innovation. Dans cette partie du monde, l’avenir du nucléaire passera sans doute par les SMR (Small Modular Reactor).

Quel avenir pour l’électronucléaire ?
La production d’électricité mondiale étant amenée à doubler d’ici 2050, l’approvisionnement en énergie est l’un des enjeux clés des prochaines années. L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) estime que les capacités de production nucléaire pourraient rester stables (scénario « bas ») voire doubler (scénario « haut ») d’ici là.
L’hydrogène étant également en plein développement, l’énergie nucléaire permettrait de décarboner sa production. La Chine s’y intéresse particulièrement et en fait un pilier stratégique pour réduire les fortes émissions de ses activités.
Concernant la construction de réacteurs, de nombreux projets de SMR devraient apparaître dans les prochaines années, notamment en Amérique du Nord et en Europe. Encore à l’état de prototype, ces réacteurs moins volumineux, plus simples à construire, à installer et à la sûreté améliorée permettront à d’autres pays d’entrer sur le marché. Cette technologie pourrait même intéresser les entreprises privées (notamment minières) puisqu’elle permet de produire de l’énergie décentralisée, hors réseau.
Le démantèlement nucléaire, un marché important et onéreux, va également s’intensifier du fait du vieillissement des parcs. En revanche, les pays concernés semblent souvent vouloir développer un savoir-faire local pour répondre aux besoins de ce marché, si bien que les opportunités export se situeront principalement sur des niches technologiques.
Enfin, la gestion des déchets nucléaires pose toujours le problème de la sécurité d’un point de vue de l’acceptation publique. Des acteurs français, comme Orano, leader mondial dans le recyclage des combustibles, s’appliquent à démontrer leur expertise. L’usine de retraitement de la Hague en Normandie, est un modèle international de traitement des combustibles. Fonctionnant en cycle fermé, elle limite les besoins d’approvisionnement en uranium et assure la gestion des déchets et la dangerosité. Cette technologie intéresse particulièrement la Chine qui souhaite instaurer l’équivalent sur son sol.
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