– Tribune de Bruno Hervet, Directeur Général, SUEZ Consulting & Vice-président Exécutif Smart Cities, SUEZ Groupe.

Le concept de « Smart City » qui naît au milieu des années 2010 est la promesse d’un avenir meilleur et la réponse à tous les maux : la technologie est LA solution. L’ère de la tech vient de s’ouvrir et avec elle une mécanique bien huilée offrant monts et merveilles via la collecte des données émises sur l’espace public. Les territoires seront mieux gérés, et in fine, plus intelligents.

Près de dix ans plus tard, la magie n’opère plus, le bilan est mitigé : la Smart City est perçue comme une atteinte aux libertés individuelles et vecteur de déshumanisation

Elle n’a pas plus rempli son objectif de durabilité, puisque le volume croissant des données générées, et les infrastructures associées, ont contribué à porter la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre globales à près de 4%, dépassant désormais le secteur de l’aviation.

Le chapitre de la Smart City se clôt donc, mais les défis demeurent. Alors que la crise sanitaire a fait évoluer notre rapport au numérique, que les enjeux environnementaux préoccupent de plus en plus les citoyens, nous devons repenser collectivement nos pratiques urbaines et réellement accompagner les territoires dans cette transformation. Il ne s’agit pas de faire table rase du passé, mais de se réinventer pour mieux mobiliser les données et les ressources, de manière raisonnée et responsable, au juste besoin.

         –  La fin du mythe de la ville « 100% tech »

La Smart City apparaît dans ses débuts comme le futur de la ville, où l’usage des technologies digitales permet d’acquérir de la donnée et de l’utiliser pour répondre aux besoins des habitants. La qualité de vie en ville serait alors « augmentée » grâce à un concentré des meilleures solutions technologiques, avec des services toujours plus connectés, efficaces et performants, et ce, dans tous les secteurs (transports, déchets, éclairage public…).

Différents modèles émergent à travers le monde, de la « smart city sécuritaire [safe city]» en Asie, dans lequel les données collectées sont au service d’une logique de surveillance, à la « smart city servicielle » en Amérique du Nord, promue par les GAFAM, qui répond avant tout à une logique de valorisation foncière en mode Saas et d’intérêts individuels, ou encore au modèle plus hybride en Europe alliant gouvernance publique et privée pour la fabrique urbaine.

Les deux premiers modèles ont montré leurs limites. Leur approche – la data comme clé d’entrée – n’était pas suffisante pour gérer les fonctions urbaines, et les enjeux autour de la gouvernance, la souveraineté, la protection des données et l’appropriation par les citoyens se sont trouvés de facto relégués au second plan alors qu’ils étaient pourtant essentiels à la réussite des projets. L’abandon en 2020 de celui mené à Toronto par Sidewalk Labs – filiale de Google – principalement lié au point d’achoppement majeur avec les autorités et les citoyens autour de la gestion des données personnelles collectées sur l’espace public illustre bien cette impasse.

Autre écueil de l’approche « 100% technologique », l’application d’un schéma standard, de la conception au déploiement, sans adéquation avec les besoins des territoires et leurs spécificités.

Un projet de territoire intelligent doit partir au contraire d’une vision politique, d’un engagement des équipes techniques de la collectivité et de l’écosystème local pour analyser les besoins, les pratiques, fournir des réponses adaptées – à la bonne échelle – et propres à chaque territoire.

Un certain nombre de leçons peuvent toutefois être tirées de cette aventure technophile, pour opérer le virage vers une pratique urbaine plus respectueuse de l’humain et de l’environnement :

1) la technologie ne peut être une fin en soi, mais doit être orientée au service d’un projet politique de territoire

2) la construction d’un cadre de confiance pour le partage des données est indispensable pour créer des conditions d’acceptabilité des projets

3) l’intelligence doit reposer sur plusieurs leviers d’innovation notamment sociaux et de gouvernance, pour contribuer à une émulation collective dans les territoires.

       –   Répondre au « juste besoin »

L’heure n’est donc plus au surdimensionnement technologique, mais à un recentrage sur une conception urbaine plus rationnelle, circulaire, et ancrée dans une réalité concrète : accélérer la transition écologique et améliorer la qualité de vie.

En capitalisant sur l’existant, en adressant les besoins des territoires, nous nous inscrivons dans les piliers de durabilité que sont la résilience, la sobriété et l’inclusion, tout en préservant les ressources essentielles.

Il s’agit ainsi de mutualiser les fonctions urbaines, d’optimiser l’usage des équipements, d’anticiper leur réemploi ou valorisation. En résumé, faire rentrer la matière non plus dans une logique linéaire de flux, mais de circularité.

Chez SUEZ, nous agissons déjà dans ce sens. A titre d’exemple, avec le Grand Montauban, nous créons un nouveau modèle de prévention et d’économie éco-responsable d’usage et non de consommation. Différentes actions sont mises en place : sensibilisation des citoyens à leur production de déchets, accompagnement à la création d’une recyclerie pour encourager le don, collecte et valorisation des biodéchets, ramassage des dépôts sauvages. Nous visons par ces actions une baisse de 10% des déchets produits sur le territoire à l’horizon 2028.

Préserver la biodiversité et les ressources naturelles comme biens communs est également essentiel, non seulement pour lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi pour les différents services écosystémiques apportés. En créant des ressources en eau alternatives grâce au dessalement ou à la réutilisation des eaux usées, en pilotant la performance du réseau, nous agissons pour préserver les ressources en eau douce.  Ainsi, nous accompagnons par exemple l’Egypte, pays pionnier, dans la réutilisation de ses eaux usées pour l’irrigation de certains parcs d’arbres fruitiers

Autre sujet, celui des solutions basées sur la nature pour l’aménagement urbain. La création d’espaces verts et naturels favorise l’infiltration des eaux de pluie, lutte contre l’artificialisation des sols, maintient la biodiversité et atténue les îlots de chaleur. Au-delà de ces fonctions écologiques, ils jouent un rôle essentiel, récréatif, mais aussi de bien-être et de santé. Nous devons soutenir ces solutions « gagnant-gagnant » et les mettre en œuvre à grande échelle.

Le digital et les données ont bien sûr une place particulière, en tant que vecteur de mutations urbaines. Mais ils doivent pour cela être alignés d’une part avec une démarche de numérique responsable, d’autre part porter en leur sein le double impératif absolu de la protection de la vie privée, et donc de la souveraineté de la donnée, mais aussi de la solidité technique du système, et donc de sa cybersécurité.

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